Skip to content

2

Au 26ᵉ jour de Lexembre 2019, concer­nant le gree­dien ancien, nous avions vu le mot sóga « clan, famille », un élé­ment extrê­me­ment impor­tant de la vie gree­dienne. Aujourd’­hui, nous allons exa­mi­ner plus en détail com­ment par­ler des per­sonnes qui le composent.

Avant toutes choses, quelques expli­ca­tions préa­lables sur la socié­té gree­dienne à l’é­poque où l’on par­lait cette langue au quo­ti­dien, voi­ci plus de deux mille ans. Depuis, bien des choses ont pu changer.

La société

Les Gree­diens vivent dans une socié­té hié­rar­chi­sée. À son som­met se trouve le roi – ou la reine – (thí­lim), qui tire sa légi­ti­mi­té de la déesse-mère Alé­raze (Alueráz). Le sou­ve­rain crée et contrôle divers nobles régio­naux (emïl) qui gou­vernent leurs ter­ri­toires en accord avec la poli­tique de la Tour (Tál). Ceux-ci à leur tour doivent com­po­ser avec les clans patriar­chaux qui pos­sèdent la terre (et les droits de pêche dans un contexte littoral).

Un clan est diri­gé par un homme dans la force de l’âge qui est le des­cen­dant en ligne pater­nelle directe d’un pré­cé­dent chef de clan (qui n’est pas for­cé­ment son pré­dé­ces­seur direct : un neveu peut suc­cé­der à son oncle, en tant que petit-fils du père de ce der­nier). Une femme peut diri­ger un clan dans cer­taines cir­cons­tances mais ses enfants ne seront pas consi­dé­rés comme des­cen­dants directs et seront donc exclus de la suc­ces­sion. En effet, les femmes quittent leur clan d’o­ri­gine lors­qu’elles se marient ; durant leur veu­vage, ou après un divorce, elles peuvent choi­sir de reve­nir dans leur famille, mais leurs enfants appar­tien­dront tou­jours au clan de leur père.

La lignée pater­nelle est de fait la plus impor­tante, et c’est pour cela que plus de dis­tinc­tions sont faites lexi­ca­le­ment entre ses membres, com­pa­ré à la lignée maternelle.

Noms de parenté consanguine

Voi­ci un dia­gramme des rela­tions fami­liales consan­guines idéales pour un homme marié (Ego) :

Diagramme des relations de parenté consanguine en greedien ancien.
Dia­gramme de paren­té consanguine

L’é­pouse, soo­ni (sens pre­mier « femme »), appel­le­ra son mari gazeem (sens pre­mier « homme »).

Notons que dans ce dia­gramme pré­cis, le grand-père est tou­jours vivant et il est le chef du clan. Si le père, un oncle, un cou­sin ou un frère est chef de clan, on le nom­me­ra éga­le­ment óbab. De même, si la situa­tion est telle que la mère, une cou­sine ou une sœur est cheffe de clan, elle sera ónan.

Les membres fémi­nins du clan qui ne sont pas mariées, de la même géné­ra­tion ou celle qui suit, en ligne indi­rect, sont nuon. Une fois sor­ties du clan, elles deviennent diom et on appel­le­ra leurs époux dárak. Pareille­ment, la (grande-)tante céli­ba­taire est ónuon, comme la femme de l’oncle, mais une fois mariée elle sor­ti­ra des rela­tions de parenté.

Termes d’adresse

Quelques-uns de ces noms ont une forme spé­ciale lorsque le locu­teur ou la locu­trice parle à leurs réfé­rents. Il s’a­git – à une excep­tion près – de suf­fixer au mot la der­nière voyelle de la racine au ton haut, en éli­mi­nant les autres tons haut déjà pré­sents. Cela concerne :

  • bab > babá « père, papa »
    • óbab > obabá « grand-père (pater­nel), grand-papa » ou « chef du clan »
  • nan > naná « mère, maman »
    • ónan > onaná « grand-mère (pater­nelle), grand-maman » ou « cheffe du clan »
  • kuis > kuisí « frère, cou­sin » ou « neveu »
  • nuon > nuonó « sœur, cousine »
    • ónuon > onuonó « tante (pater­nelle céli­ba­taire), tata, tatie) » ou « tante (femme de l’oncle pater­nel), tata, tatie »
  • uluz > babá « oncle (pater­nel), tonton »

Cer­tains de ces termes d’a­dresse sont aus­si employés à l’en­contre de membres du clan situés en-dehors du tableau ci-des­sus (petits-cou­sins, etc.). Il s’a­git de babá et onuonó, res­pec­ti­ve­ment pour un homme plus âgé et une femme plus âgée. Ceux de la même géné­ra­tion sont inter­pe­lés avec kuisí et nuonó. Les géné­ra­tions pos­té­rieures sont sim­ple­ment appe­lées dee­mo « enfant ».

Parents décédés

Il y a encore quatre termes de paren­té spé­ci­fiques pour par­ler de membres décé­dés du clan, ne dis­tin­guant que le sexe et la géné­ra­tion par rap­port à celle du locu­teur ou de la locutrice :

  • baba­sia « membre mas­cu­lin d’une des géné­ra­tions anté­rieures, décédé »
  • nana­sia « membre fémi­nin d’une des géné­ra­tions anté­rieures, décédé »
  • kui­si­sia « membre mas­cu­lin de la même géné­ra­tion, décédé »
  • nuo­no­sia « membre fémi­nin de la même géné­ra­tion, décédé »

Il n’y a pas de termes spé­ci­fiques pour par­ler de la géné­ra­tion sui­vante : enfants, petits-enfants, neveux, etc. qui sont morts avant le locuteur.

Noms dans la belle-famille

Famille du mari

Pour une femme qui vient de ren­trer dans un nou­veau clan par un mariage, les termes sont les mêmes que ceux pour sa famille d’o­ri­gine. Elle appel­le­ra son beau-père babá, sa belle-sœur nuonó, le cou­sin de son mari kuisí, etc.

En ce qui concerne son ancien clan, elle uti­li­se­ra les mêmes termes d’a­dresse s’ils existent (babá, naná, etc.), mais pour par­ler de ses membres à la troi­sième per­sonne elle devra employer les noms avec l’ad­jec­tif masia « pas­sé, loin­tain » : masia bab « mon père », masia ónan « ma grand-mère », etc.

Famille de l’épouse

Un homme qui a pris épouse emploie­ra les mêmes termes pour par­ler de sa belle-famille que pour par­ler de la famille de sa mère, avec un déca­lage géné­ra­tion­nel vers le bas : le beau-père est pozeläng comme le grand-père mater­nel, la belle-sœur nas­nan comme la tante, etc . De plus, il n’y a pas de mots spé­ci­fiques pour dési­gner la géné­ra­tion des enfants (on par­le­ra de nang­kuis kor « fils du beau-frère » par exemple).

Diagramme de parenté avec la belle-famille en greedien ancien.
Dia­gramme des rela­tions avec la belle famille

Ce sera la même ter­mi­no­lo­gie pour la belle-famille de ses frères et de ses cou­sins mâles du côté paternel.

Famille du beau-frère/beau-fils

Il n’existe qu’un seul terme pour tous les membres de la famille du mari de sa sœur (ou fille, ou cou­sine, etc.) avec laquelle on n’en­tre­tient ni de rela­tion de sang, ni de rela­tion d’al­liance. Il s’a­git de thórrï « allié », qui éty­mo­lo­gi­que­ment signi­fie « bâton de marche ».

Étymologies

Cer­tains des mots vus ici sont décom­po­sables morphologiquement :

  • dárakïl : de dárak « beau-frère, beau-fils » avec le suf­fixe -ïl (dimi­nu­tif, descendant)
  • nagnan : de nan « mère » avec la rédu­pli­ca­tion CVg- (aug­men­ta­tif)
  • nang­kuis : com­po­sé de nan « mère » et kuis « frère, cou­sin », avec assi­mi­la­tion de la der­nière consonne du pre­mier mot
  • nas­nan : de nan « mère » avec la rédu­pli­ca­tion CVs- (dimi­nu­tif)
  • pozeläng : de poze « vieux » avec le suf­fixe -läng (nomi­na­li­sa­teur)
  • údomläng : de budôm « ventre ; uté­rus » avec le suf­fixe -läng (objet ou per­sonne associée)
  • ugu­luz : de uluz « oncle pater­nel » avec la rédu­pli­ca­tion CVg- (aug­men­ta­tif)

Bibliographie

Pel­lard, Tho­mas, « Dia­gramme de paren­té avec LaTeX » [en ligne], 2016, URL : https://cipanglo.hypotheses.org/309, consul­té le 14 sep­tembre 2021.
Bel­le­zit, Jacques, La cein­ture Hatik­va, Saint-Denis, Édi­livre, 2011.

talak- /ˈtalak/ v.int « res­sem­bler à X, agir comme X »

Ce pré­fixe crée des verbes intran­si­tifs à par­tir de noms d’hu­mains et d’a­ni­maux, plus rare­ment d’ob­jets natu­rels. Il est par­ti­cu­liè­re­ment pro­duc­tif pour dési­gner des défauts.

Le -l final du pré­fixe sup­prime les consonnes ini­tiales de la racine ; si l’une d’entre elle est une vélaire (k g ṅ), le pré­fixe a la forme tał-. Seule la consonne v n’est pas concer­née et peut appa­raître après le -l et le .

Mots dérivés

  • talas­sa- /taˈlasːa/ v.int (*assa, vieille racine pour « abeille »)
    bour­don­ner
    • talas­sous /taˈlasːuːs/ n.I (-ous)
      bour­don­ne­ment
  • tał­valē- /ˈtaʟʋalɛː/ v.int (kvalē « étour­neau »)
    aller et venir, être inconstant
    • tał­valēus /ˈtaʟʋaleːu̯s/ n.I (-ous)
      incons­tance

takil- /ˈtakil/ v : « exXer, Xer hors de, déXer »

Sur un verbe de mou­ve­ment, ce suf­fixe ajoute l’i­dée de « sor­tir de », « quit­ter », un mou­ve­ment qui s’é­loigne du locu­teur ou du point de référence.

Comme je n’ai tou­jours pas de racines de verbes de mou­ve­ment, pas­sons tout de suite au sens qu’il donne aux autres verbes : ces­ser de faire une action en cours de route, défaire le résul­tat de l’ac­tion. La dif­fé­rence avec le suf­fixe -bis, qui peut éga­le­ment signa­ler une action non menée à son terme, est que l’ar­rêt du pro­ces­sus est volon­taire dans le cas de -il.

Mots dérivés

  • dīl- /ˈdiːl/ v.tr (dī- « tenir »)
    lâcher subi­te­ment ; aban­don­ner (quel­qu’un)
    • dīlek­nos /ˈdiːlɛknos/ n.I (-eknos)
      chute
    • dīlous /ˈdiːluːs/ n.I (-ous)
      aban­don
  • fełil- /ˈfɛʟil/ v.tr (feł- « vou­loir »)
    reje­ter, refuser
    • fełi­lek­nos /ˈfɛʟilɛknos/ n.I (-eknos)
      refus, rejet
    • fełi­li /ˈfɛʟili/ n.E (-li)
      capri­cieux, capricieuse
  • keippā­sil- /ˈkeːpːaːsil/ v.tr (keippās- « faire remar­quer »)
    cacher à, dis­si­mu­ler à
    • keipppā­si­lai /ˈkeːpːaːsilai̯/ n.E (-ai)
      conspi­ra­teur, conspiratrice
    • keippā­si­laks /ˈkeːpːaːsilaks/ n.E (-ks)
      per­sonne trompée
    • keippā­si­lek­nos /ˈkeːpːaːsilɛknos/ n.I (-eknos)
      secret ; men­songe (par omission)
  • kēp­til- /ˈkɛːptil/ v.tr (kēpt- « tuer »)
    gra­cier, épargner
  • koi­dil- /ˈkoi̯dil/ v.tr (koid- « don­ner »)
    reprendre ; voler
    • koi­di­lai /ˈkoi̯dilai̯/ n.E (-ai)
      voleur, voleuse
    • koi­di­li /ˈkoi̯dili/ n.A (-li)
      sou­ris
    • koi­di­lous /ˈkoi̯diluːs/ n.I (-ous)
      vol
      • tme­koi­di­lous /tmɛˈkoi̯diluːs/ n.I (tme-)
        gre­nier mal construit, qui laisse l’ac­cès à la vermine
  • sāmil- /ˈsaːmil/ v.int (sām « mou­rir »)
    res­sus­ci­ter, com­battre la mala­die avec succès
    • sāmi­lek­nos /ˈsaːmilɛknos/ n.I (-eknos)
      gué­ri­son

āta­kaks /ˈaːtakaks/ n.I : « lieu où l’on X »

Ce sché­ma forme des noms de lieux sur des verbes, exac­te­ment comme le sché­ma tme-ous ; mais contrai­re­ment à ce der­nier, ā‑ks n’est pas très pro­duc­tif. Seuls les verbes de mou­ve­ment peuvent le prendre. Lorsque ces deux sché­mas sont en concur­rence, tme-ous dénote plu­tôt le lieu habi­tuel de l’ac­tion, quel que soit son aspect, tan­dis que ā‑ks dénote un objet concret cultu­rel­le­ment déterminé.

Avec une racine com­men­çant par une voyelle, le pré­fixe a la forme āt-

Mots dérivés

Aucun pour l’ins­tant : le stock de racines avec lequel j’ai com­men­cé le Lexembre ne conte­nait aucun verbe de mou­ve­ment. Il fau­dra attendre le 1er jan­vier pour appli­quer ce sché­ma à de nou­velles racines.

tako­bis- /ˈtakobis/ v : « souXer ; Xer en secret ; Xer fai­ble­ment ; com­men­cer à Xer »

Ce suf­fixe s’ap­plique à des verbes et pos­sède une grande varié­té de sens qu’il serait impos­sible de décrire en détails dans ce billet.

Sur des verbes de dépla­ce­ment, -bis pré­cise que le mou­ve­ment s’ef­fec­tue par le des­sous. Par exten­sion, il s’ap­plique à d’autres verbes pour signi­fier que l’ac­tion s’ef­fec­tue en secret, en par­ti­cu­lier à l’aide de forces magiques. Tou­jours en lien avec l’i­dée que l’ac­tion est réa­li­sée de telle manière qu’on ne la remarque pas, il peut signa­ler une action non menée à son terme ou au résul­tat déce­vant. Et en par­lant d’ac­tion pas encore menée à son terme, il est tout natu­rel d’ob­te­nir aus­si un sens inchoa­tif (« com­men­cer à »).

Après consonne (sauf nasale), il a la forme -obis.

Mots dérivés

  • jēpa­di­bis- /ˈjɛːpadibis/ v.tr (jēpa­di- « embra­ser, enflam­mer »)
    ten­ter d’al­lu­mer un feu
  • kēp­to­bis- /ˈkɛːptobis/ v.tr (kēpt- « tuer »)
    tuer par magie
    • hankēp­to­bi­saks /ˈhankɛːptobisaks/ n.I (han-ks)
      branche d’arbre employée pour jeter un sort (en taillant des encoches dans la direc­tion de la per­sonne à tuer)
    • kēp­to­bi­sai /ˈkɛːptobisai̯/ n.E (-ai)
      sor­cier, sorcière
  • pses­so­bis- /ˈpsɛsːobis/ v.int (pses­so- « gran­dir »)
    mal gran­dir, être tordu
    • pses­so­bi­saks /ˈpsɛsːobisaks/ n.E (-ks)
      nain ; bossu
  • sām­bis- /ˈsaːmbis/ v.int (sām- « mou­rir »)
    tom­ber gra­ve­ment malade ; être vic­time d’un sort
    • sām­bi­sous /ˈsaːmbisuːs/ n.I (-ous)
      mala­die mortelle