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Comment faire croire à vos mondes imaginaires

Les noms en fantasy et science-fiction

Le dra­gon Car­char­ras attaque l’an­tique cité de Vali­me­nos. Les héros char­gés de sa défense sont Ellae­rys l’Elfe, Bur­gozd le Troll, Ray­munt le guer­rier et Djas­mi­la la voleuse ; un peu en retrait, le mage Xylan­dus com­mence une incan­ta­tion dans la Langue Magique : « Ïdeü­dr fas′sin hröth′gara aec­pharö mogolÿs… »

Soom Kylon, de la pla­nète Ix′or, aux com­mandes de son vais­seau le Cor­mo­ran blanc a enfin retrou­vé la trace de ses enne­mis jurés les Klan­torgs. Leur chef, le géné­ral T′zalkor, ne peut rete­nir un juron en le voyant : « Spo′rksh !​»

Des noms simi­laires sont par­tout, dans mul­ti­tude de romans, de bandes des­si­nées, de films ou de jeux vidéos. Ils donnent à la fois une très bonne idée de ce que l’auteur‧e veut don­ner comme impres­sion pour chaque per­son­nage ou concept (les bons/les mau­vais, les primitifs/les sages, etc.) et une gênante impres­sion de déjà-vu. L’or­tho­graphe, abu­sant de tré­mas et d’a­pos­trophes déco­ra­tifs, n’est sou­vent pas cohé­rente et on a peine à savoir com­ment pro­non­cer ces mots ou même sim­ple­ment à s’en souvenir.

Et lors­qu’une phrase ou un extrait de texte sont pré­sen­tés dans une langue fic­tive, bien sou­vent la tra­duc­tion se révèle être un mot à mot de l’é­qui­valent dans la langue mater­nelle de l’auteur‧e ou une adap­ta­tion à peine voi­lée d’une autre langue existante.

L’intérêt de s’en soucier

La langue est un élé­ment cen­tral d’une culture, et méri­te­rait un peu plus d’at­ten­tion. Tout autant que les cos­tumes et la cui­sine, elle donne d’im­por­tantes indi­ca­tions sur :

  • La phy­sio­lo­gie des locu­teurs. Rares sont les langues humaines à dis­po­ser de mots pour des odeurs spé­ci­fiques, mais ce serait cer­tai­ne­ment le cas d’une majo­ri­té de langues canines qui, par contre, n’au­raient que peu voire pas de mots pour dis­tin­guer les couleurs.
  • Leur lieu de vie. Si le mot pour « neige » est un com­po­sé du genre pluie de glace, ce concept ne doit pas être cen­tral dans leur culture météorologique.
  • L’or­ga­ni­sa­tion de leur socié­té. Si les verbes se conjuguent dif­fé­rem­ment selon le rang de l’interlocut‧eu‧rice, et que cer­tains noms ne peuvent être employés que par cer­taines per­sonnes, on peut en induire que la fron­tière entre les classes sociales est nette (et donc poten­tielle source de conflits).
  • Leur his­toire. Si des mots de la langue X res­semblent à des mots de la langue Y sui­vant un sché­ma régu­lier (comme les cor­res­pon­dances père, pied, pour : father, foot, for), il est pro­bable que ces deux langues aient été très proches à un moment don­né, ou même qu’elles aient une ori­gine commune.

À une époque où de plus en plus de films et de séries à suc­cès emploient des langues construites et que ces der­nières ras­semblent leurs propres com­mu­nau­tés de fans, une fran­chise de l’i­ma­gi­naire qui veut être prise un tant soit peu au sérieux a tout à gagner à les employer et à pro­fi­ter de l’op­por­tu­ni­té qu’elles offrent pour écrire de nou­velles histoires.

Les idéolinguistes

Tout comme il vaut mieux confier la réa­li­sa­tion des illus­tra­tions d’un livre et des cos­tumes d’un film à des gens qui savent ce qu’ils font plu­tôt que de s’en char­ger soi-même, il vaut mieux délé­guer la créa­tion de langue à des spécialistes.

Aupa­ra­vant, les pro­duc­teurs de films et séries s’a­dres­saient sur­tout à des lin­guistes : Mark Okrand, qui tra­vaillait sur des langues amé­rin­diennes, créa la langue klin­gon pour Star Trek ; Vic­to­ria From­kin, spé­cia­liste du lap­sus, inven­ta le paku­ni pour la série jeu­nesse Land of the Lost ; Paul From­mer, pro­fes­seur de com­mu­ni­ca­tion en mana­ge­ment cli­nique, fut choi­si pour créer la langue na’­vi d’Ava­tar.

De nos jours, le grand public est de plus en plus conscient de l’exis­tence de per­sonnes qui créent des langues pour leur propre plai­sir. Regrou­pés en com­mu­nau­tés, ils se nomment eux-mêmes conlan­gers en anglais et « idéo­lin­guistes » en fran­çais. Leur expé­rience est de plus en plus recon­nue : citons David J. Peter­son, créa­teur du dothra­ki de Games of Throne puis de beau­coup d’autres langues dans d’autres fran­chises, et, en France, Romain Fil­stroff (dit Mon­té), créa­teur de l’a­za­zilúŝ pour la série Calls.

La Lan­guage Crea­tion Socie­ty, basée aux États-Unis, pro­pose un site d’emploi pour mettre en rela­tion clients et créa­teurs. Il n’existe pas d’é­qui­valent fran­çais pour le moment.

Ováhtin.fr

J’ai créé une microen­tre­prise pour enca­drer mon acti­vi­té d’i­déo­lin­guiste free­lance, et ce site en sera la vitrine.

Dans la par­tie blogue, je pré­sen­te­rai – régu­liè­re­ment je l’es­père – des aspects de quelques-unes de mes créa­tions per­son­nelles ou « idéo­langues » et des billets sur l’i­déo­lin­guis­tique en géné­rale et son actualité.

Bonne visite.