takōn /taˈkoːn/, n : « celui qui est X par rapport aux autres »
Le suffixe -ōn crée des noms à partir d’adjectifs, dénotant l’objet ou être dans un groupe donné qui possède une qualité que les autres n’ont pas, ou à un degré moindre. Ce schéma de dérivation est rarement lexicalisé, n’importe quel référent pouvant être dénoté par un nom en -ōn si le contexte l’exige. Le genre de ces noms est de même variable.
Ce suffixe est même employé comme une sorte de flexion, pour exprimer l’idée d’un superlatif relatif :
Himiknē “zē fistenōn ꜰᴏᴄ-homme(ᴇ) ᴇ‑ce…-là gros Cet homme-là est le (plus) gros
Mots dérivés
Il existe quand même quelques dérivés ayant un sens lexical en plus du sens contextuel.
aṅkiōn /ˈaŋkioːn/ n.ᴇ (aṅki « jeune ») benjamin
ikānōn /iˈkaːnoːn/ n.ɪ (ikān « froid ») hiver
pissōn /ˈpisːoːn/ n. ɪ (pisis « humide ») temps pluvieux
tōtak-, /ˈtoːtak/ v : "faire X superficiellement, maladroitement"
Le préfixe tō- (tōb- devant voyelle ou h) se place sur un verbe pour indiquer que l'action n'est pas très bien faite, comme par un débutant ou quelqu'un qui n'y connaît rien. Par extension, il s'applique à des actes volontairement bâclés.
Mots dérivés
tōdī- /ˈtoːdiː/ v.tr (dī- "tenir, avoir") tenir en répartissant mal le poids ; mal planifier
Lexembre, ce défi idéolinguistique où l’on crée un nouveau mot par jour du mois de décembre, est de retour pour une nouvelle édition. Cette année, je me penche sur une langue qui n’a encore qu’une quarantaine de mots, quasiment tous basiques et non-dérivés. Plutôt donc que de présenter de nouvelle racines, je vais inventer des schémas de dérivation et les appliquer aux mots déjà existants. Par conséquent, il y aura peut-être un peu moins d’informations (traductions, informations culturelles) dans chaque billet.
Le margoro (marga Oro « langue du fleuve Oro ») est parlé le long du fleuve par une nation de plusieurs dizaines de millions de personnes, et connaît de fait une multitude de dialectes. Les formes qui suivent sont valables uniquement pour le dialecte de la nouvelle capitale, Hanyonɔ (akɔ orowa « dialecte de l’administration »), quoique la syntaxe soit sensiblement la même au moins dans le dialecte de l’ancienne capitale Hanŋisa (akɔ Hanŋisa) et le dialecte du Désert (akɔ Hɛni).
Les formes
Personne et nombre
Les pronoms encodent deux nombres qui sont le singulier (SG) et le pluriel (PL), et trois personnes : les premières (go/non) qui sont celles du locuteur ou de son groupe ; les deuxièmes (dɛ/sɛ) qui sont celles des/de l’interlocuteur(s), et les troisièmes qui sont celles dont on parle.
La troisième personne est divisée encore au singulier en animé humain mɛ, animé animal (ou construction magique basée sur un être vivant) rɔ, et inanimé ka. Le pluriel n’est distingué que chez humain et animal, qui se partagent le pronom di.
Temps
Non pas les verbes, mais les pronoms personnels se conjuguent pour le temps et l’aspect. Il y a quatre suffixes, certains variant en forme après la base :
-kɛ, -ki, -ko, -kɔ, -ka, l’aoriste, pour les actions passées achevées.
-wo, -wɔ, le futur d’intention.
-yi”, le futur simple.
-to, le parfait, pour les actions achevées dont les résultats sont encore prégnants au moment de l’énonciation.
Sans suffixes sur le pronom, l’action décrite par la phrase est considérée comme en cours de réalisation ou indéfinie.
Attitudinaux
Deux suffixes traduisent l’attitude du locuteur vis-à-vis du référent :
-na, le suffixe formel (FOR), est employé dans des situations exigeant un certain niveau de déférence vis-à-vis de la personne.
-r, le diminutif (DIM), est employé dans le langage familier entre amis, pour s’adresser ou se référer à des enfants, mais aussi de façon péjorative. La connaissance du contexte seule permet de distinguer ces usages très différents.
Ces suffixes peuvent se trouver sur les pronoms de deuxième et troisième personnes (sauf inanimée), après les suffixes de temps. Il est possible d’avoir aussi le diminutif -r sur les pronoms de première personne, mais seulement dans le contexte où l’on se moque de son interlocuteur en singeant une obséquiosité excessive, ou bien lorsque le locuteur a pour première langue un dialecte du désert dans lequel les formes diminutives sont les seules employées.
Résumé des formes
1res personnes
Singulier
Pluriel
Sg. dim.
—
go
non
gor
Aoriste
goko
nongo
gokor
Intentionnel
gowo
nonwo
gowor
Futur
goyi”
nonyi”
goyir
Parfait
goto
nondo
gotor
2es personnes
Sg.
Pl.
Sg. form.
Pl. form.
Sg. dim.
Pl. dim.
—
dɛ
sɛ
dɛna
sɛna
dɛr
sɛr
Aoriste
dɛkɛ
sɛkɛ
dɛkɛna
sɛkɛna
dɛkɛr
sɛkɛr
Intentionnel
dɛwɔ
sɛwɔ
dɛwɔna
sɛwɔna
dɛwɔr
sɛwɔr
Futur
dɛyi”
sɛyi”
dɛyina
sɛyina
dɛyir
sɛyir
Parfait
dɛto
sɛto
dɛtona
sɛtona
dɛtor
sɛtor
3e personne singulière humaine
Neutre
Formel
Diminutif
—
mɛ
mɛna
mɛr
Aoriste
mɛkɛ
mɛkɛna
mɛkɛr
Intentionnel
mɛwɔ
mɛwɔna
mɛwɔr
Futur
mɛyi”
mɛyina
mɛyir
Parfait
mɛto
mɛtona
mɛtor
3e personne singulière animale
Neutre
Formel
Diminutif
—
rɔ
rɔna
rɔr
Aoriste
rɔkɔ
rɔkɔna
rɔkɔr
Intentionnel
rɔwɔ
rɔwɔna
rɔwɔr
Futur
rɔyi”
rɔyina
rɔyir
Parfait
rɔto
rɔtona
rɔtor
3e personne inanimée
—
—
ka
Aoriste
kaka
Intentionnel
kawɔ
Futur
kayi”
Parfait
kato
3e personne animée plurielle
Neutre
Formel
Diminutif
—
di
dina
dir
Aoriste
diki
dikina
dikir
Intentionnel
diwo
diwona
diwor
Futur
diyi”
diyina
diyir
Parfait
dito
ditona
ditor
Les usages
Comme pronoms
Cela paraît évident ; mais il faut bien mentionner quelque part que ces mots remplacent des noms complets (pour les troisièmes personnes) et permettent de se référer au participants du discours (premières et deuxièmes personnes) comme on le ferait de n’importe quel autre nom : sujet ou objet d’un verbe, régime d’une préposition, terme d’adresse (pour les deuxièmes personnes).
Comme actualiseurs du verbe
Comme les pronoms personnels sont la seule catégorie grammaticale à être fléchie pour le temps, leur présence est obligatoire devant un verbe, même en présence d’un sujet exprimé par un nom :
Rɔnzɛ rɔ ga daba kɔnapɛ. chameau 3.AN.SG faire rapide contre.fleuve « Le chameau accélère le long du fleuve (à contre-courant). »
Le fait qu’ils encodent le nombre pallie l’absence de pluriel distinct chez la plupart des noms :
Hago ho, motir diki lowa gowe an-Orowa. nuit ce.là traducteur 3.PL-AOR écrire lettre pour=Bureau « Cette nuit-là, les traducteurs écrivirent une lettre à l’administration fiscale. »
Enfin, ils servent de copule reliant un nom et un nom ou adjectif qui le qualifie :
Il n’y a que pour les phrases traduisant un ordre que l’on peut éventuellement se passer de pronom.
Ga leki go di siro ! faire enfant 1.SG 3.PL manger « Nourris mes enfants ! » (Plus rarement Dɛ ga leki go di siro !)
Désambigüisation nom/verbe
Leur présence permet aussi de choisir l’interprétation des mots qui ont la même forme comme nom et comme verbe : dans geri siro emi iti, le mot siro pourrait signifier « manger » ou « nourriture », et emi « vivre » ou « entrailles ». L’ambigüité est levée grâce à la place du pronom actualiseur :
Geri rɔ siro emi iti. Chien 3.AN.SG manger entrailles parmi.semblables « Le chien mange des entrailles parmi les siens. »
Geri siro rɔ emi iti. Chien nourriture 3.AN.SG vivre parmi.semblables « Le chien qui garde la nourriture vit parmi les siens. »
Ou encore, de distinguer les noms qui ont un sens différent selon qu’ils se réfèrent à un humain ou à un animal : geri peut aussi signifier « gardien » humain. Geri siro mɛ emi iti « le garde préposé aux victuailles vit parmi les siens. »
Comme reprise de la particule relative
La particule yɛ qui introduit les propositions relatives n’indique pas en soi le rôle grammatical du nom qu’elle détermine. Un pronom personnel prend donc la place correspondant au rôle du nom modifié par la relative. Un exemple en position de sujet :
Dɛ limɔhah sorti ki yɛ rɔ aton sanzɛ nota ? 2.SG voir‑Q oiseau ce.ci REL 3.AN.SG avoir patte-DU bleu « Vois-tu cet oiseau qui a les (deux) pattes bleues ? »
Et un exemple en position de régime de préposition :
Kanan yɛ go erti onako yɔn-ga. toit REL 1.SG poser lit sur=3.IN « Le toit sur lequel je pose un lit. »
Comme déterminants possessifs
Placés après un groupe nominal, les pronoms personnels expriment la personne du possesseur. Comme les noms dans la même position, ils sont soumis à la mutation consonantique, où certaines consonnes initiales changent si le mot précédent se termine par -r, -n ou -” : man ŋo « ma tête », disapa” ko « mon troupeau de moutons », yarar lɔ « sa (animal) chevrette ».
(Les détails de la mutation seront abordés dans un prochain billet. On aura remarqué dans un exemple de la section précédente qu’elle apparaît aussi après préposition.)