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takōn /taˈkoːn/, n : « celui qui est X par rap­port aux autres »

Le suf­fixe -ōn crée des noms à par­tir d’ad­jec­tifs, déno­tant l’ob­jet ou être dans un groupe don­né qui pos­sède une qua­li­té que les autres n’ont pas, ou à un degré moindre. Ce sché­ma de déri­va­tion est rare­ment lexi­ca­li­sé, n’im­porte quel réfé­rent pou­vant être déno­té par un nom en -ōn si le contexte l’exige. Le genre de ces noms est de même variable.

Ce suf­fixe est même employé comme une sorte de flexion, pour expri­mer l’i­dée d’un super­la­tif relatif :

  • Himiknē “zē fis­tenōn
    ꜰᴏᴄ-homme(ᴇ) ᴇ‑ce…-là gros
    Cet homme-là est le (plus) gros

Mots dérivés

Il existe quand même quelques déri­vés ayant un sens lexi­cal en plus du sens contextuel.

  • aṅkiōn /ˈaŋkioːn/ n.ᴇ (aṅki « jeune »)
    ben­ja­min
  • ikānōn /iˈkaːnoːn/ n.ɪ (ikān « froid »)
    hiver
  • pissōn /ˈpisːoːn/ n. ɪ (pisis « humide »)
    temps plu­vieux

tōtak-, /ˈtoːtak/ v : "faire X superficiellement, maladroitement"

Le préfixe - (tōb- devant voyelle ou h) se place sur un verbe pour indiquer que l'action n'est pas très bien faite, comme par un débutant ou quelqu'un qui n'y connaît rien. Par extension, il s'applique à des actes volontairement bâclés.

Mots dérivés

  • tōdī- /ˈtoːdiː/ v.tr (- "tenir, avoir")
    tenir en répartissant mal le poids ; mal planifier
  • tōkēpt- /ˈtoːkɛːpt/ v.tr (kēpt- "tuer")
    tuer lentement, en faisant souffrir l'animal ; torturer délibérément
  • tōsām- /ˈtoːsaːm/ v.int (sām- "mourir")
    être insouciant, négligent

Lexembre, ce défi idéo­lin­guis­tique où l’on crée un nou­veau mot par jour du mois de décembre, est de retour pour une nou­velle édi­tion. Cette année, je me penche sur une langue qui n’a encore qu’une qua­ran­taine de mots, qua­si­ment tous basiques et non-déri­vés. Plu­tôt donc que de pré­sen­ter de nou­velle racines, je vais inven­ter des sché­mas de déri­va­tion et les appli­quer aux mots déjà exis­tants. Par consé­quent, il y aura peut-être un peu moins d’in­for­ma­tions (tra­duc­tions, infor­ma­tions cultu­relles) dans chaque billet.

…conti­nue rea­ding « Lexembre 2020

Le mar­go­ro (mar­ga Oro « langue du fleuve Oro ») est par­lé le long du fleuve par une nation de plu­sieurs dizaines de mil­lions de per­sonnes, et connaît de fait une mul­ti­tude de dia­lectes. Les formes qui suivent sont valables uni­que­ment pour le dia­lecte de la nou­velle capi­tale, Hanyonɔ (akɔ oro­wa « dia­lecte de l’ad­mi­nis­tra­tion »), quoique la syn­taxe soit sen­si­ble­ment la même au moins dans le dia­lecte de l’an­cienne capi­tale Hanŋi­sa (akɔ Hanŋi­sa) et le dia­lecte du Désert (akɔ Hɛni).

Les formes

Personne et nombre

Les pro­noms encodent deux nombres qui sont le sin­gu­lier (SG) et le plu­riel (PL), et trois per­sonnes : les pre­mières (go/non) qui sont celles du locu­teur ou de son groupe ; les deuxièmes (/) qui sont celles des/de l’interlocuteur(s), et les troi­sièmes qui sont celles dont on parle.

La troi­sième per­sonne est divi­sée encore au sin­gu­lier en ani­mé humain , ani­mé ani­mal (ou construc­tion magique basée sur un être vivant) , et inani­mé ka. Le plu­riel n’est dis­tin­gué que chez humain et ani­mal, qui se par­tagent le pro­nom di.

Temps

Non pas les verbes, mais les pro­noms per­son­nels se conjuguent pour le temps et l’as­pect. Il y a quatre suf­fixes, cer­tains variant en forme après la base :

  • -, -ki, -ko, -, -ka, l’ao­riste, pour les actions pas­sées achevées.
  • -wo, -, le futur d’intention.
  • -yi”, le futur simple.
  • -to, le par­fait, pour les actions ache­vées dont les résul­tats sont encore pré­gnants au moment de l’énonciation.

Sans suf­fixes sur le pro­nom, l’ac­tion décrite par la phrase est consi­dé­rée comme en cours de réa­li­sa­tion ou indéfinie.

Attitudinaux

Deux suf­fixes tra­duisent l’at­ti­tude du locu­teur vis-à-vis du référent :

  • -na, le suf­fixe for­mel (FOR), est employé dans des situa­tions exi­geant un cer­tain niveau de défé­rence vis-à-vis de la personne.
  • -r, le dimi­nu­tif (DIM), est employé dans le lan­gage fami­lier entre amis, pour s’a­dres­ser ou se réfé­rer à des enfants, mais aus­si de façon péjo­ra­tive. La connais­sance du contexte seule per­met de dis­tin­guer ces usages très différents.

Ces suf­fixes peuvent se trou­ver sur les pro­noms de deuxième et troi­sième per­sonnes (sauf inani­mée), après les suf­fixes de temps. Il est pos­sible d’a­voir aus­si le dimi­nu­tif -r sur les pro­noms de pre­mière per­sonne, mais seule­ment dans le contexte où l’on se moque de son inter­lo­cu­teur en sin­geant une obsé­quio­si­té exces­sive, ou bien lorsque le locu­teur a pour pre­mière langue un dia­lecte du désert dans lequel les formes dimi­nu­tives sont les seules employées.

Résumé des formes

1res personnes

Sin­gu­lierPlu­rielSg. dim.
gonongor
Aoristegokonon­gogokor
Inten­tion­nelgowonon­wogowor
Futurgoyi”nonyi”goyir
Par­faitgotonon­dogotor

2es personnes

Sg.Pl.Sg. form.Pl. form.Sg. dim.Pl. dim.
dɛnasɛnadɛrsɛr
Aoristedɛkɛsɛkɛdɛkɛ­nasɛkɛ­nadɛkɛrsɛkɛr
Inten­tion­neldɛwɔsɛwɔdɛwɔ­nasɛwɔ­nadɛwɔrsɛwɔr
Futurdɛyi”sɛyi”dɛyi­nasɛyi­nadɛyirsɛyir
Par­faitdɛtosɛtodɛto­nasɛto­nadɛtorsɛtor

3e personne singulière humaine

NeutreFor­melDimi­nu­tif
mɛnamɛr
Aoristemɛkɛmɛkɛ­namɛkɛr
Inten­tion­nelmɛwɔmɛwɔ­namɛwɔr
Futurmɛyi”mɛyi­namɛyir
Par­faitmɛtomɛto­namɛtor

3e personne singulière animale

NeutreFor­melDimi­nu­tif
rɔnarɔr
Aoristerɔkɔrɔkɔ­narɔkɔr
Inten­tion­nelrɔwɔrɔwɔ­narɔwɔr
Futurrɔyi”rɔyi­narɔyir
Par­faitrɔtorɔto­narɔtor

3e personne inanimée

ka
Aoristekaka
Inten­tion­nelkawɔ
Futurkayi”
Par­faitkato

3e personne animée plurielle

NeutreFor­melDimi­nu­tif
didinadir
Aoristedikidiki­nadikir
Inten­tion­neldiwodiwo­nadiwor
Futurdiyi”diyi­nadiyir
Par­faitditodito­naditor

Les usages

Comme pronoms

Cela paraît évident ; mais il faut bien men­tion­ner quelque part que ces mots rem­placent des noms com­plets (pour les troi­sièmes per­sonnes) et per­mettent de se réfé­rer au par­ti­ci­pants du dis­cours (pre­mières et deuxièmes per­sonnes) comme on le ferait de n’im­porte quel autre nom : sujet ou objet d’un verbe, régime d’une pré­po­si­tion, terme d’a­dresse (pour les deuxièmes personnes).

Comme actualiseurs du verbe

Comme les pro­noms per­son­nels sont la seule caté­go­rie gram­ma­ti­cale à être flé­chie pour le temps, leur pré­sence est obli­ga­toire devant un verbe, même en pré­sence d’un sujet expri­mé par un nom :

  • Rɔnzɛ ga daba kɔnapɛ.
    cha­meau 3.AN.SG faire rapide contre.fleuve
    « Le cha­meau accé­lère le long du fleuve (à contre-courant). »

Le fait qu’ils encodent le nombre pal­lie l’ab­sence de plu­riel dis­tinct chez la plu­part des noms :

  • Hago ho, motir diki lowa gowe an-Oro­wa.
    nuit ce.là tra­duc­teur 3.PL-AOR écrire lettre pour=Bureau
    « Cette nuit-là, les tra­duc­teurs écri­virent une lettre à l’ad­mi­nis­tra­tion fiscale. »

Enfin, ils servent de copule reliant un nom et un nom ou adjec­tif qui le qualifie :

  • Dɛgɔn ditɔpɛ.
    PL-sol­dat 2.PL PL-assas­sin
    « Vous, sol­dats, êtes des assassins. »

Il n’y a que pour les phrases tra­dui­sant un ordre que l’on peut éven­tuel­le­ment se pas­ser de pronom.

  • Ga leki go di siro !
    faire enfant 1.SG 3.PL man­ger
    « Nour­ris mes enfants ! »
    (Plus rare­ment ga leki go di siro !)

Désambigüisation nom/verbe

Leur pré­sence per­met aus­si de choi­sir l’in­ter­pré­ta­tion des mots qui ont la même forme comme nom et comme verbe : dans geri siro emi iti, le mot siro pour­rait signi­fier « man­ger » ou « nour­ri­ture », et emi « vivre » ou « entrailles ». L’am­bigüi­té est levée grâce à la place du pro­nom actualiseur :

  • Geri siro emi iti.
    Chien 3.AN.SG man­ger entrailles parmi.semblables
    « Le chien mange des entrailles par­mi les siens. »
  • Geri siro emi iti.
    Chien nour­ri­ture 3.AN.SG vivre parmi.semblables
    « Le chien qui garde la nour­ri­ture vit par­mi les siens. »

Ou encore, de dis­tin­guer les noms qui ont un sens dif­fé­rent selon qu’ils se réfèrent à un humain ou à un ani­mal : geri peut aus­si signi­fier « gar­dien » humain. Geri siro emi iti « le garde pré­po­sé aux vic­tuailles vit par­mi les siens. »

Comme reprise de la particule relative

La par­ti­cule qui intro­duit les pro­po­si­tions rela­tives n’in­dique pas en soi le rôle gram­ma­ti­cal du nom qu’elle déter­mine. Un pro­nom per­son­nel prend donc la place cor­res­pon­dant au rôle du nom modi­fié par la rela­tive. Un exemple en posi­tion de sujet :

  • Dɛ limɔ­hah sor­ti ki yɛ aton sanzɛ nota ?
    2.SG voir‑Q oiseau ce.ci REL 3.AN.SG avoir patte-DU bleu
    « Vois-tu cet oiseau qui a les (deux) pattes bleues ? »

Et un exemple en posi­tion de régime de préposition :

  • Kanan yɛ go erti ona­ko yɔn-ga.
    toit REL 1.SG poser lit sur=3.IN
    « Le toit sur lequel je pose un lit. » 

Comme déterminants possessifs

Pla­cés après un groupe nomi­nal, les pro­noms per­son­nels expriment la per­sonne du pos­ses­seur. Comme les noms dans la même posi­tion, ils sont sou­mis à la muta­tion conso­nan­tique, où cer­taines consonnes ini­tiales changent si le mot pré­cé­dent se ter­mine par -r, -n ou -” : man ŋo « ma tête », disa­pa” ko « mon trou­peau de mou­tons », yarar « sa (ani­mal) chevrette ».

(Les détails de la muta­tion seront abor­dés dans un pro­chain billet. On aura remar­qué dans un exemple de la sec­tion pré­cé­dente qu’elle appa­raît aus­si après préposition.)