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Un français futuriste, le RONSE

(Pro­non­cé /ħõse/).

Il y a quelques années, j’a­vais décrit une varié­té futu­riste du fran­çais par­lée au XIVe siècle. C’é­tait dans le cadre d’un jeu dans la com­mu­nau­té Dis­cord des idéo­lin­guistes fran­co­phones, que nous avions nom­mé le « télé­phone arabe dia­chro­nique ». Le prin­cipe était le sui­vant : un pre­mier par­ti­ci­pant rédige une des­crip­tion suc­cincte mais assez com­plète d’une langue, invente quelques cen­taines de mots, et four­nit le tout à deux per­sonnes du groupe, qui vont faire évo­luer la pho­no­lo­gie, la gram­maire et le lexique pour décrire deux nou­velles langues-filles ; et ain­si de suite jus­qu’à ce qu’on arrive aux der­niers maillons de la chaîne, qui pré­sen­te­ront les gram­maires et lexiques finaux. Le but du jeu était de par­ve­nir à une famille com­plète de langues par­ta­geant la même ori­gine, mais sculp­tées par les goûts idéo­lin­guis­tiques de plu­sieurs créateurices. 

En tant que pre­mier maillon, je me suis atte­lé à déri­ver mon tra­vail d’une langue exis­tante pour aller plus vite : en deux semaines, j’a­vais mes vingt pages de gram­maire et 500 mots. Main­te­nant, ce relais aux bases tout de même assez auda­cieuses est au point mort et il est peu pro­bable que l’on découvre un jour la famille com­plète. Je livre donc ici la gram­maire, légè­re­ment rema­niée pour enle­ver les coquilles, et le lexique (entrée, par­tie du dis­cours, (formes du verbe), défi­ni­tion, (éty­mo­lo­gie)). Et une fois que vous aurez lu ça, décou­vrez mes propres cri­tiques sur cette vieille création. 

Phonologie

Je reste d’a­vis que les consonnes finales du fran­çais risquent de s’a­muïr, sur­tout dans le Nord. Je suis main­te­nant moins convain­cu de l’é­vo­lu­tion des voyelles, sur­tout de la diph­ton­gai­son des voyelles arron­dies d’a­vant /y ø œ/. J’a­vais pen­sé à l’ex­pli­quer par une influence de la langue espa­gnole, mais le ḥõse est jus­te­ment par­lé dans une zone qui ne leur est pas direc­te­ment sou­mise, alors qu’ils sont en contact avec des ger­ma­no­phones, les­quels risquent moins de perdre ces voyelles. 

Le for­mat du relais ne m’a pas per­mis de me ren­sei­gner plus avant sur les évo­lu­tions pho­né­tiques pro­bables de toutes ces langues de contact, et c’est cer­tai­ne­ment quelque chose que je ferais si je devais recommencer.

Il y a autre chose que je ferais autre­ment : l’af­fri­ca­tion de /t d/ devant élé­ment pala­tal. Dans cette ver­sion, ils deviennent affri­quée et fri­ca­tive api­cale /ts z/ res­pec­ti­ve­ment, mais ce qu’on entend dans le fran­çais popu­laire aujourd’­hui est clai­re­ment pala­tal /tɕ dʑ/ voire /tʃ dʒ/. Conser­ver ce point d’ar­ti­cu­la­tion en outre m’au­rait per­mis de mieux jus­ti­fier le chan­ge­ment des /ʃ ʒ/ his­to­riques en /x ɣ/ (par volon­té de gar­der les sons bien dis­tincts les uns des autres). 

Le dépla­ce­ment de l’ac­cent sur l’a­vant-der­nière syl­labe est ins­pi­rée d’une vidéo de Mon­té de Lin­guis­ti­cae ; pour ma part je ne l’en­tends pas encore autour de moi.

Voi­ci le pro­gramme simu­lant l’é­vo­lu­tion pho­né­tique, à uti­li­ser sur cette page web, à par­tir de la forme pho­no­lo­gique des mots don­née dans les dic­tion­naires fran­çais de référence.

Orthographe

J’o­se­rai plus de digraphes dans une nou­velle mou­ture : la nota­tion des fri­ca­tives pha­ryn­gales et vélaires n’est pas for­cé­ment très intui­tive si l’on se can­tonne à des carac­tères uniques diacrités.

Je n’ai pas tra­vaillé l’or­tho­graphe « indi­gène », que ce soit la ver­sion latine ou la ver­sion arabe.

Grammaire

De nos jours, dire du fran­çais par­lé qu’il est en voie de deve­nir poly­syn­thé­tique est un mar­ron­nier chez les idéo­lin­guistes fran­co­phones, et il se trouve bien des lin­guistes pour en par­ler (par exemple ici). Il était tout à fait nor­mal que je m’a­muse à inven­ter un com­plexe ver­bal mul­ti­pliant les pré­fixes et les suf­fixes, enco­dant sujet, objet(s), néga­tion, temps, etc. ; vous remar­que­rez que le tableau qui pré­sente toutes ces cases manque de dépas­ser la page…​et c’est pour cette rai­son pure­ment typo­gra­phique que je n’ai pas inté­gré plus d’élé­ments aux verbes, comme par exemple les auxi­liaires être et avoir, ou cer­tains adverbes (déjà, trop, etc.)

Je suis assez satis­fait d’a­voir pu réduire le nombre de radi­caux dis­tincts à apprendre pour chaque verbe à cinq. 

Pour ce qui est des noms, je n’ai pas trou­vé de rai­sons pour sup­pri­mer les genres, d’au­tant plus qu’ils per­mettent de dis­tin­guer de nou­veaux homo­phones consé­cu­tifs à la perte des consonnes finales. Cepen­dant, sup­pri­mer presque toutes les occur­rences de l’ar­ticle défi­ni m’ap­pa­raît main­te­nant comme peu pro­bable : ce n’est pas parce que le russe se débrouille avec l’ordre libre des mots pour expri­mer la défi­ni­tude que je dois copier cette struc­ture dans une langue qui dis­pose déjà de la mor­pho­lo­gie nécessaire.

Lexique

Je regrette de n’a­voir indi­qué que la langue de pro­ve­nance des emprunts (espa­gnol, néer­lan­dais, arabe clas­sique, arabe magh­ré­bin, anglais), et pas les mots emprun­tés eux-mêmes : je ne les retrou­ve­rais pas forcément. 

Postérité

L’u­ni­vers dans lequel est par­lé cette idéo­langue pour­rait encore me ser­vir de base pour cer­tains scé­na­rios (jeu de rôle ou récit tra­di­tion­nel). Je me laisse la pos­si­bi­li­té de recréer un RONSE/ḥõse 2.0, en pre­nant bien mon temps pour docu­men­ter les emprunts, les chan­ge­ments séman­tiques, les ortho­graphes intra­dié­gé­tiques et rédi­ger de vrais textes de la culture concernée.

Pour mes col­lègues idéo­lin­guistes : vuzoxe ḥwi kò pu-labose sèla lõ ? « com­ment auriez-vous pro­cé­dé pour faire évo­luer le français ? »

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