Voici une exemple de greedien ancien en contexte. Il s’agit d’une lettre écrite par un chef de clan au noble local, en appelant à son intervention sur une question de droits de pêche.
Le style peut paraître direct et familier, mais les Greediens ne pensent pas qu’user de circonvolutions pour formuler des requêtes indirectes soit une marque de politesse, même envers des supérieurs. Le plan de la lettre est le suivant :
- 1 : provenance et destination
- 2 : compliment en lien avec la requête
- 3 – 6 : présentation du problème
- 7 – 8 : résumé des relations entre les parties concernées
- 9 : requête
- 10 : offre de compensation
L’original
Tenné sóga Iliós taphé lï thílim emïl –Obí’sîm sóga Irlóom nä sungkát na,
Téduǐl sak thómba,
Tek lï Tenné sógapód — Lékondo nä Nógekis gorúb lï yûpód raa. Géno
phiyép lï Lékondo yem nä tuepé Ortúzdǎl Tírasia’biníg sóga dool es dua bóo
wo lï gém duab opat yû. Tírasia’biníg óbab –Lispuo lï dua lï yé thualit, es
gém yubit nä bú sóga ku phiyép yûpód deer phiyép Lékondo. Dua yubit nä
bú dua yûpód yaas deer ní Lékondo. Bed óbab Úkhang sopa kuis — Lispuo.
Dua yaas tígịt raa — Úkhang. Lispuo nä téthar yûpód gorúbbǒd thómba ló gém
nä yaa zeéduilít diu. Sák nä dua lï yé ir potthórmo diû.
Glose et traduction
-
Tenné
NPsóga
clanIliós
NPtaphé
cheminlï
COMthílim
roiemïl
noble–Obí’sîm
APP\NPsóga
clanIrlóom
NPnä
LOCsungká‑t
écrire-MSnä
PRSDe Iliós du clan Tenné à Irlóom du clan Obí’sîm, noble du roi, -
téduǐl
très.lourdsak
2.POSSthómba
mémoireTa mémoire est sans faille, -
tek lï
toujoursTenné
NPsógapód
territoire—
êtreLékondo
NPnä
LOCNógekis
NPgorúb
rivagelï
COMyûpód
zone_pêcheraa
PASSLa zone de pêche qui va du village de Nógekis au Flanc de Craie appartient au clan Tenné depuis toujours. -
géno
moisphiyép
deuxlï
COMLékondo
NPyem
mernä
LOCtuepé
venirOrtúzdǎl
NPTírasia’biníg
NPsóga
clandool
barquees
etdua
1bóo
accordwo
troulï
COMgém
DEM.PRON.adversaireduab
1EVopat
tireryû
poissonDes barques du clan Tírasia’biníg d’Ortúzdǎl viennent dans les eaux devant le Flanc de Craie depuis deux mois et prennent du poisson sans notre accord. -
Tírasia’biníg
NPóbab
chef_clan–Lispuo
APP\NPlï
COMdua
1lï
COMyé
PRFthual-it
parler-MSes
etgém
DEM.PRON.adversaireyub-it
assurer-MSnä
PRSbú
EXPLsóga
clanku
chaquephiyép
deuxyûpód
zone_pêchedeer
contenirphiyép
deuxièmeLékondo
NPJ’ai parlé avec Lispuo le chef de Tírasia’biníg et il jure que la frontière entre nos zones passe par le Flanc de Craie. -
dua
1yub-it
assurer-MSnä
PRSbú
EXPLdua
1yûpód
zone_pêcheyaas
GNOdeer
contenirní
entierLékondo
NPJe jure que ma zone contient l’entièreté du Flanc de Craie. -
bed
pierreóbab
chef_clanÚkhang
NPsopa
jeunekuis
frère—
êtreLispuo
NPLispuo est le neveu de l’ancien chef Úkhang, -
dua
1yaas
GNOtígị‑t
détester\NEG-MSraa
PASS—
êtreÚkhang
NPque j’ai toujours apprécié. -
Lispuo
NPnä
LOCtéthar
très.légeryûpód
zone_pêchegorúbbǒd
étenduethómba
mémoireló
CONSgém
DEM.PRON.adversairenä
LOCyaa
IMPzeéduǐl-it
presser-MSdiû
FUTLispuo n’a pas la mémoire des frontières, viens et redonne-la lui. -
sák
2nä
LOCdua
1lï
COMyé
PRFir
grandpotthórmo
crabe.bleudiû
FUTNous avons pêché de beaux crabes bleus pour toi.
Remarques grammaticales
Les tirets < – > et < — > signalent que le ton général de la phrase est abaissé. Le premier, collé à un nom, dénote une relation d’apposition : cela permet de distinguer par exemple gutúz kor « le fils du forgeron » et gutúz –kor « (mon) fils forgeron ». Le second pallie l’absence d’un véritable verbe « être », et permet aussi l’expression de la topicalisation, comme dans la phrase 8.
Sans prépositions (ou postpositions autres que les deux clitiques de sens vague nä « dans, à, sur » et lï « avec »), le greedien a recours à des noms concrets comme taphé « chemin, route » (ligne 1), gorúb « rivage » (ligne 3), yem « mer » et wo « trou » (ligne 4) pour apporter plus de précisions aux expressions locatives.
Les démonstratifs n’encodent pas la distance comme en français (« celui-ci » vs « celui-là »), mais la relation émotionnelle. Ici, gém signal que le référent –l’autre clan et son chef– sont perçus comme des adversaires dans le contexte de la lettre.
Le parfait yé présente une situation comme étant pertinente au moment de l’énonciation (ou de la lecture, comme ici). En ligne 5, il permet de comprendre « une discussion préalable, qui aurait permis de ne pas faire intervenir le noble, a bien eu lieu » ; en ligne 10, que la promesse de crabes servira de compensation à une réponse favorable de la part du destinataire.
Remarques lexicales
Dans le système métaphorique de la langue, les souvenirs sont comme des empreintes de pas (thôn), plus ou moins profonds/lourds, d’où l’emploi du champ lexical du « poids » : téduǐl (ligne 2), téthar et zeéduǐl (ligne 9).
Il n’y a pas d’adjectif traduisant simplement « mort » en greedien ancien. Le mot bed à la ligne 7 signifie que le vieux chef a été enterré (dans une crypte) : « chefs de pierre » est une locution désignant une lignée d’ancêtres.
« Neveu » et « frère » sont exprimés par le même mot (voir Parenté en greedien ancien). Pour les distinguer ici, l’adjectif sopa signale que ce kuis appartient à la génération postérieure.