Du 3 au 5 juillet dernier, j’étais à Orléans pour la seconde International Conference on Constructed Languages (icon2024).
L’opportunité avait été offerte à des créateurices de langue de présenter un « élément intéressant » de leur création dans une session spéciale posters, à côté des interventions plus classique des chercheur·ses.
Voici ce que j’ai fait afficher : Rôles des parties du discours en langue draconique.
Il s’agit d’une introduction relativement exhaustive aux points les plus importants de la langue.
Quelques personnes m’ont demandé s’il y avait plus d’information disponible sur mon site.
Maintenant, oui.
Où, qui, pourquoi ?
J’ai développé cette langue (parmi d’autres) pour le projet Misper de Bastien Bassani, un univers de jeu de rôle fantastique en cours d’élaboration.
On peut voir sur sa page Instagram (@bastien.bassani) certaines cartes de son cru, avec des toponymes de mon invention en diverses langues.
Parmi eux, les Griffes de Pessouza sont la transcription un peu plus prononçable d’un terme draconique pʇwsa « convexe et irrégulier, produit d’un dérangement » ; autrement dit, une chaîne de montagnes.
Il s’agit d’un système de communication employé par des créatures primordiales dites « dragons », mais qui peuvent revêtir des aspects très différents : non seulement animal, mais également végétal ou minéral.
Les peuples humanoïdes l’emploient également pour la manipulation de la magie, rôle auquel la langue se prête particulièrement bien, pour plusieurs raisons.
Éléments de base
Sept éléments, correspondant chacun à un élément primordial de cet univers, servent de briques pour la formation des mots.
Leur représentation phonique est la plus employée chez les humanoïdes, mais ils peuvent être traduits par des signaux lumineux, des pas de danse, des fissures dans la roche, etc.
Ainsi :
-
w est caractérisé par le seul fait de s’opposer au silence / à l’absence de signal, il n’a pas d’autre trait distinctif.
-
p est une explosion, c’est-à-dire que le signal commence de façon abrupte et va en s’estompant. Rendu phonétiquement par une consonne occlusive.
-
ʇ est une implosion, qui commence doucement puis s’interrompt abruptement. Rendu phonétiquement par une consonne implosive ou un clic.
-
a est long et continu, de timbre plus clair que /m/, et on le rendra par n’importe quelle voyelle.
-
r est turbulent, avec des variations cycliques de fréquence, de timbre plus clair que /s/, et on le prononce généralement comme un /r/ roulé.
-
m est long et continu, de timbre plus sombre que /a/ ; phonétiquement, c’est le cas des consonnes nasales.
-
s est turbulent, avec des variations chaotiques de fréquence, de timbre plus sombre que /r/ ; phonétiquement, cela correspond aux consonnes fricatives.
Ces briques sont ensuite assemblées, sans jamais se répéter au sein d’un même mot, la longueur du mot déterminant sa classe (modal, prédicat, déictique, nom).
Ceci limite le nombre total de mots dans la langue à 2779.
Un mot ne laisse pas deviner sa signification d’après les éléments qui le compose, comme le ferait une langue philosophique à la John Wilkins.
Leur forme est tout à fait aléatoire : le déictique pam « je perçois collé sous moi » et ʇsw « je perçois détaché en-dessous de moi » n’ont aucun élément en commun, bien que leurs significations respectives ne diffèrent que par un seul trait (contact physique direct ou indirect).
Angles déictiques
Il y a sept directions encodables par le déictique, mais leur signification est contextuelle et relative à la nature de la créature qui s’exprime.
Ainsi :
Abréviation | Nom | Remarque |
---|---|---|
A |
avant |
La direction du regard pour un animal, celle de la croissance horizontale pour une plante, celle du pôle nord magnétique pour un minéral |
B |
bas |
La direction de la gravité |
C |
centre |
contenu dans le locuteur, ou le locuteur lui-même |
D |
droite |
Le côté droit chez un animal, le sens horaire de la croissance en largeur chez un végétal, l’Est pour un minéral |
G |
gauche |
Le côté gauche chez l’animal, le sens anti-horaire de la croissance en largeur chez un végétal, l’Ouest pour un minéral |
H |
haut |
La direction opposée à la gravité |
R |
arrière |
La direction opposée à celle du regard ou de la croissance horizontale, ou le pôle sud |
Exemple de phrase
Voici une formule magique employée par le peuple Nacré pour augmenter la durée de l’hiver.
Elle est prononcée sur un bateau, en face de la région à affecter, pendant un jour froid.
Il faut parler fort et avoir l’horizon dégagé.
-
R ʇa ras wpʇsm !
r
refusʇa
réchaufferras
ce-que-je-perçois-devant-moi-au-loinwpʇsm
eau« Je refuse que l’élément eau présent dans ce que j’ai en face de moi augmente sa température actuelle ! »Glose fournie par Gloss My Gloss
Comme il s’agit d’une promesse, la personne qui la prononce doit continuer de fournir l’énergie nécessaire à sa réalisation pendant toute la durée du sort.
Cela limite son utilisation aux créatures les plus puissantes, néanmoins cet « hiver de la Nef » est connu et craint par tous les peuples du continent.